Dans l’espace OHADA, l’acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution (AUPSRVE) consacre un régime juridique rigoureux pour encadrer la saisie-attribution.
Cette procédure permet au créancier de saisir, entre les mains d’un tiers, les sommes appartenant au débiteur. Le tiers saisi est fréquemment un établissement bancaire ou un employeur.
Dès lors qu’il est valablement interpellé, ce tiers se voit conférer une fonction particulière et se trouve soumis à des obligations précises.
La présente note vise à rappeler les contours de cette responsabilité, à la lumière du texte applicable et de la jurisprudence récente, notamment celle de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA).
- Les obligations légales du tiers saisi
Aux termes de l’article 157 de l’AUPSRVE, le tiers saisi, dès la signification du procès-verbal de saisie-attribution, doit :
- Procéder à une déclaration des sommes détenues dans un délai de huit jours ;
- Geler immédiatement les fonds concernés ;
- Les conserver jusqu’à ce que le sort de la procédure soit déterminé.
L’absence de contestation par le débiteur dans un délai de quinze jours à compter de la dénonciation de la saisie ouvre la voie à la délivrance par le greffe d’un certificat de non-contestation (article 83, al. 2 AUPSRVE). Ce certificat vaut titre suffisant pour libérer les fonds au profit du créancier saisissant. Le tiers saisi ne peut s’opposer à cette libération, sauf à engager sa responsabilité personnelle.
- Encadrement juridique du refus d’exécution
Dans la pratique, certains tiers – notamment des établissements bancaires – répondent à la signification du certificat de non-contestation en invoquant une procédure parallèle ou une assignation additionnelle introduite par le débiteur.
Ce type de résistance ne trouve aucun fondement légal une fois le certificat délivré.
L’article 164 de l’AUPSRVE est clair :
« Le tiers saisi procède au paiement sur présentation d’un certificat du greffe attestant qu’aucune contestation n’a été formée dans le mois suivant la dénonciation de la saisie (…) ».
En complément, l’article 38 dispose que :
« Les tiers ne peuvent faire obstacle aux procédures en vue de l’exécution (…) Tout manquement à ces obligations peut entraîner leur condamnation à des dommages-intérêts. Le tiers entre les mains duquel est pratiquée une saisie peut également (…) être condamné au paiement des causes de la saisie (…) ».
Ainsi, l’argument consistant à différer le paiement au motif d’une procédure additionnelle ou d’une appréciation personnelle de la régularité de la saisie n’est pas juridiquement recevable.
- Jurisprudence constante de la CCJA et des juridictions locales
Plusieurs décisions de la CCJA sont venues rappeler, avec constance, que le tiers saisi ne peut se substituer ni au juge, ni au débiteur :
- CCJA, 1re Ch., n°95/2016 du 26/05/2016 : la Cour énonce que le tiers saisi ne peut apprécier la régularité du certificat de non-contestation. Il lui appartient simplement de libérer les fonds ;
- CCJA, n°163/2015 du 22/10/2015 : la Cour rappelle que seul le débiteur a qualité pour contester la saisie dans le mois suivant la dénonciation. Le tiers saisi ne peut introduire une contestation principale ;
Dans le même ordre d’idée, la Cour d’appel d’Abidjan a jugé que le refus du tiers saisi de libérer les fonds, en l’absence de contestation du débiteur, constitue un manquement à son obligation d’apporter son concours à l’exécution forcée.
(CA d’Abidjan, 1re Ch., n°742/2019 du 14/11/2019)
Dans une autre affaire, une juridiction a condamné un tiers saisi qui, interrogé dans le cadre d’une saisie-attribution, avait répondu de manière évasive par l’expression « réponse suivra ». Ce comportement a été jugé contraire aux exigences de transparence et de diligence prévues par les articles 38 et 156 de l’AUPSRVE. Le tiers a ainsi été condamné à payer les causes de la saisie, ainsi que des dommages-intérêts.
(CA de Moundou, arrêt n°153/2019 du 14/10/2019)
Conclusion
Il ressort de ce cadre normatif et jurisprudentiel que le tiers saisi, dès lors qu’il est valablement constitué et que les délais de contestation sont expirés, doit coopérer pleinement. À défaut, il engage sa responsabilité tant sur le fondement de l’article 38 de l’AUPSRVE que sur celui du paiement des causes de la saisie.
Si le tiers saisi ne respecte pas les obligations énoncées à l’article 38, il peut être condamné. Cette condamnation peut l’obliger à payer les montants liés à la saisie à la place du débiteur.
Cependant, lorsque le tiers saisi n’a aucune obligation envers le débiteur, il ne peut être condamné à supporter cette charge uniquement en raison d’un défaut d’information ou de déclaration.
Ainsi, pour que la responsabilité du tiers saisi soit engagée au paiement des causes de la saisie, encore faut-il qu’il ait été personnellement débiteur d’une obligation envers le débiteur principal.
Dans une affaire récemment confiée au Cabinet Thomas Dingamgoto, une procédure initiée à la suite de contrats de fourniture de matériel de télécommunications (VSAT et liaison satellitaire) entre une société spécialisée dans les technologies de communication et une entreprise bénéficiaire de la prestation.
Cette dernière, malgré de multiples relances, n’avait pas réglé les factures émises. Une procédure d’injonction de payer a été engagée par le cabinet, ayant abouti favorablement pour le créancier.
Cet aboutissement a permis la mise en œuvre d’une ou plusieurs saisies sur les avoirs de l’entreprise débitrice logés dans les livres d’un établissement de crédit panafricain.
En réponse, cet établissement a indiqué avoir reçu une assignation additionnelle et une contestation, malgré la présentation d’un certificat de non-contestation délivré par le greffe.
Ce comportement a été analysé comme un refus de libérer la créance objet de la saisie, en contradiction avec les exigences prévues aux articles 38 et 164 de l’AUPSRVE.
Le cabinet se tient à votre disposition, soit pour envisager une action en responsabilité contre un tiers saisi, soit pour vous assister en défense si vous êtes mis en cause dans le cadre d’une telle procédure, notamment en qualité d’établissement bancaire ou d’entreprise employeur.
Maître Sintes DINGAMGOTO
Avocat aux barreaux de Paris et du Tchad
Romuald ALLARAMADJI
Stagiaire