Introduction:
Dans le contexte tchadien, la saisie immobilière est une voie d’exécution essentielle pour le créancier confronté à un débiteur défaillant. Cette procédure, strictement encadrée par l’Acte Uniforme OHADA portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution (AUPSRVE), garantit la protection des droits de chaque partie. Voici un exposé détaillé, illustré par la citation complète de certains articles-clés.
- Fondements juridiques de la saisie immobilière
La saisie immobilière est régie par des textes précis. L’article 28 AUPSRVE pose le principe général :
Article 28 AUPSRVE
« À défaut d’exécution volontaire, tout créancier peut, quelle que soit la nature de sa créance, dans les conditions prévues par le présent Acte uniforme, contraindre son débiteur défaillant à exécuter ses obligations à son égard ou pratiquer une mesure conservatoire pour assurer la sauvegarde de ses droits.
Sauf s’il s’agit d’une créance hypothécaire ou privilégiée, l’exécution est poursuivie en premier lieu sur les biens meubles et, en cas d’insuffisance de ceux-ci, sur les immeubles. »
- Les étapes détaillées de la procédure de saisie immobilière
a) Signification du commandement aux fins de saisie
La procédure débute par un commandement aux fins de saisie, dont le contenu est strictement encadré :
Article 254 AUPSRVE
« À peine de nullité, toute poursuite en vente forcée d’immeubles doit être précédée d’un commandement aux fins de saisie.
À peine de nullité, ce commandement doit être signifié au débiteur et le cas échéant au tiers détenteur de l’immeuble et contenir :
- la reproduction ou la copie du titre exécutoire et le montant de la dette, ainsi que les noms, prénoms et adresses du créancier et du débiteur et, s’il s’agit d’une personne morale, ses forme, dénomination et siège social ;
- la copie du pouvoir spécial de saisir donné à l’huissier ou à l’agent d’exécution par le créancier poursuivant, à moins que le commandement ne contienne, sur l’original et la copie, le bon pour pouvoir signé de ce dernier ;
- l’avertissement que, faute de payer dans les vingt jours, le commandement pourra être transcrit à la conservation foncière et vaudra saisie à partir de sa publication ;
- l’indication de la juridiction où l’expropriation sera poursuivie ;
- le numéro du titre foncier et l’indication de la situation précise des immeubles faisant l’objet de la poursuite ; s’il s’agit d’un immeuble non encore immatriculé, le numéro de la réquisition d’immatriculation ; et, s’il s’agit d’impenses réalisées par le débiteur sur un terrain dont il n’est pas propriétaire, mais qui lui a été affecté par une décision d’une autorité administrative, sa désignation précise ainsi que la référence de la décision d’affectation ;
- la constitution de l’avocat chez lequel le créancier poursuivant élit domicile et où devront être notifiés les actes d’opposition au commandement, offres réelles et toutes significations relatives à la saisie.
b) Publicité à la conservation foncière
Après le délai de 20 jours, la saisie est matérialisée par la publication du commandement :
Article 259 AUPSRVE
« L’huissier ou l’agent d’exécution fait viser l’original du commandement par le conservateur de la propriété foncière à qui copie est remise pour la publication.
[…]
Si un commandement n’a pas été déposé au bureau de la conservation foncière ou à l’autorité administrative concernée dans les trois mois de sa signification, puis effectivement publié, le créancier ne peut reprendre les poursuites qu’en les réitérant. »
c) Rédaction et dépôt du cahier des charges
Article 266 AUPSRVE
« Le cahier des charges, rédigé et signé par l’avocat du créancier poursuivant, précise les conditions et modalités de la vente de l’immeuble saisi.
Il est déposé au greffe de la juridiction dans le ressort de laquelle se trouve l’immeuble dans un délai maximum de cinquante jours à compter de la publication du commandement, à peine de déchéance. »
d) Observations du débiteur
Article 270 AUPSRVE
« Le débiteur saisi peut, jusqu’au cinquième jour précédant l’audience éventuelle, déposer au greffe ses dires et observations. Passé ce délai, il est forclos. »4
e) Audience éventuelle et formalités de publicité
L’audience éventuelle est organisée si des dires sont déposés. La publicité de la vente doit être faite entre 15 et 30 jours avant l’adjudication.
f) Audience d’adjudication
Article 283 AUPSRVE
« La vente a lieu à l’audience publique selon le rituel des trois bougies.
Si, après l’allumage successif des trois bougies, aucune enchère n’est portée, le créancier poursuivant peut être déclaré adjudicataire à la mise à prix, à moins qu’il ne demande la remise de l’adjudication à une autre audience sur une nouvelle mise à prix. »
3. Illustration pratique
Dans une affaire récente, notre Cabinet a accompagné un établissement de crédit, client du Cabinet, dans une procédure de saisie immobilière à la suite d’un impayé de prêt consenti à une entreprise.
Une entreprise a obtenu un crédit à moyen terme auprès d’un établissement de crédit, garanti par une hypothèque sur un immeuble appartenant à un tiers.
- Déroulement :
- Commandement de payer signifié par une étude d’huissier de justice.
- Commandement aux fins de saisie immobilière délivré et publié.
- Cahier des charges rédigé et déposé au greffe.
- Sommation au débiteur de prendre connaissance du cahier des charges, sans réponse.
- Formalités de publicité réalisées (affichage, publication, apposition de placards).
- Audience d’adjudication : en l’absence d’enchères, l’établissement de crédit a été déclaré adjudicataire à la mise à prix.
- Points de vigilance
- Respect strict des délais et formalités : tout manquement peut entraîner la nullité de la procédure.
- Transparence et publicité : elles garantissent la protection des droits de toutes les parties.
Conclusion
La saisie immobilière est un mécanisme efficace de recouvrement, mais elle est strictement encadrée pour préserver l’équilibre entre les droits du créancier et ceux du débiteur.
Maître Sintes DINGAMGOTO
Avocat aux barreaux de Paris et du Tchad
M. Espoir DJIKOLEM MATEL
Avocat Stagiaire