août 5, 2025 admin

LA MODIFICATION DU CONTRAT DE TRAVAIL EN DROIT TCHADIEN

La modification du contrat de travail est l’un des moments les plus sensibles de la relation d’emploi, car elle engage le principe de la force obligatoire du contrat et le respect des droits fondamentaux du salarié.

On dit traditionnellement qu’il faut distinguer clairement entre ce qui relève d’un véritable changement du contrat de travail (nécessitant l’accord du salarié) et ce qui ne constitue qu’un changement des conditions de travail (relevant, lui, du pouvoir de direction de l’employeur).

 

  1. Périmètre de distinction : modification du contrat versus changement des conditions de travail

 

a) Modification d’un élément essentiel du contrat de travail

 

La modification d’un élément substantiel (rémunération, qualification, lieu de travail, durée contractuelle, etc.) ne peut intervenir unilatéralement. Conformément à l’article 134 du Code du travail et aux articles 17-18 de la Convention collective générale, toute modification d’un élément essentiel du contrat nécessite :

  • Une notification écrite au salarié.
  • Son acceptation expresse, formalisée par un avenant au contrat.

Cette exigence découle du principe général selon lequel le contrat fait loi entre les parties : aucune des parties ne peut donc y déroger seule pour ce qui touche à la structure même du contrat.

 

b) Changement des conditions de travail

À l’inverse, l’employeur peut imposer un changement relatif à des modalités d’exécution qui ne modifient pas la substance du contrat : répartition des tâches, mise en œuvre de méthodes d’organisation, adaptation des horaires (dans la limite de la loi et de la convention collective), consignes courantes… Ces aspects relèvent du pouvoir de direction conféré à l’employeur par le Code du travail (art. 48, 81) et ne nécessitent pas l’accord du salarié.

La frontière entre modification du contrat et simple changement des conditions d’exécution peut être délicate :

  • Sera considéré comme modification du contrat : passage d’un horaire diurne à nocturne ; changement de lieu de travail si cela bouleverse la vie du salarié ; modification du mode de rémunération, de l’intitulé/qualité du poste ou diminution notable des responsabilités.
  • Sera considéré comme changement des conditions de travail : modification non substantielle de la répartition des horaires (hors contrat), évolution des modalités d’exécution des tâches sous réserve de qualification et de fonctions inchangées.

c) L’exigence de bonne foi dans l’exécution du contrat.

 

Précisons d’emblée qu’à l’instar de tout contrat, l’exigence de bonne foi est prévue par l’article 1134 du code civil tchadien qui prévoit que :

« Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi. »

 

Dans le même ordre d’idée, l’article 22 de la Convention collective impose l’exécution loyale et de bonne foi du contrat, tant à l’employeur qu’au salarié.

 

Le refus injustifié d’une modification relevant des conditions de travail peut constituer une faute disciplinaire.

 

  1. Procédure applicable en cas de modification du contrat

 

a) Notification écrite et consentement

Toute proposition de modification d’un élément essentiel doit être notifiée par écrit au salarié (Convention collective, art. 17-18 ; Code du travail, art. 134). Le salarié dispose alors d’un délai de réflexion, qui doit être raisonnable, pour accepter ou refuser la modification proposée.

b) Absence d’accord

En cas de refus motivé et explicite du salarié, la modification ne peut s’imposer à lui. L’employeur fait alors face à deux options :

 

  • Renoncer à la modification et poursuivre le contrat en l’état.
  • Procéder à une rupture du contrat qui sera considérée comme étant du fait de l’employeur (licenciement avec toutes les conséquences associées : préavis, indemnités, etc.), sauf faute grave du salarié (Code du travail, art. 134 ; Convention collective, art. 18).

 

c) Procédures spécifiques

En cas de modification imposée pour motif économique (réorganisation, suppression d’emploi…), le Code du travail prévoit une procédure spécifique similaire à celle du licenciement économique ; consultation des délégués du personnel, notification à l’Inspection du travail, respect des critères légaux (Code, art. 157-160 ; Convention collective, art. 38b).

 

  1. Conséquences de la modification

 

  • Refus sans faute : Le refus du salarié face à une modification essentielle n’est jamais constitutif d’une faute et ne saurait fonder un licenciement disciplinaire. Toute sanction prise pour ce motif serait frappée de nullité.
  • Rupture imputable à l’employeur : Le contrat est considéré comme rompu à l’initiative de l’employeur, avec toutes les garanties légales de protection du salarié (droit à indemnités, préavis…).
  • Possibilité de contestation : Le salarié peut saisir le tribunal du travail en cas de litige sur le caractère essentiel ou non du changement, ou sur le respect de la procédure.

 

En résumé, la modification du contrat de travail au Tchad est très strictement encadrée. Toute modification portant sur un élément substantiel nécessite l’accord préalable du salarié.

 

À défaut, le refus du salarié n’emporte jamais sanction, mais contraint l’employeur à devoir assumer une rupture régulière du contrat.

 

Les changements relevant du fonctionnement courant de l’entreprise relèvent, eux, du pouvoir de direction de l’employeur et s’imposent au salarié.

 

 

Maître Sintes DINGAMGOTO

Avocat aux barreaux de Paris et du Tchad