La relation de travail au Tchad attribue des pouvoirs essentiels à l’employeur pour garantir la bonne organisation de l’entreprise.
Toutefois, ces prérogatives sont strictement encadrées par le Code du travail et la convention collective afin d’assurer l’équité, la transparence et le respect des droits fondamentaux du salarié.
Selon l’article 48 du code du travail tchadien :
« Le contrat de travail est un contrat par lequel une personne, dénommée employeur s’engage à fournir un emploi à une personne physique dénommée travailleur, qui lui est juridiquement subordonnée dans l’exécution du travail et qui accepte d’exécuter sa prestation moyennant une rémunération appelée salaire. »
I. Le pouvoir de direction économique
A. Définition et portée
Le pouvoir de direction permet à l’employeur d’organiser et de contrôler l’activité de l’entreprise : il attribue les postes de travail, fixe les horaires, détermine la répartition des tâches et veille au bon fonctionnement des services.
Ce pouvoir résulte du lien de subordination dans le contrat de travail et s’exerce dans le cadre du respect des dispositions législatives et conventionnelles (Code du travail, art. 48, 81 ; Convention collective, art. 22).
II. Le pouvoir d’organisation de l’employeur
A. Le rôle d’organisateur de l’entreprise par l’employeur
Le pouvoir d’organisation de l’employeur est un principe fondamental du droit du travail.
L’employeur est investi d’un droit large d’organisation de l’entreprise : il est maître des choix stratégiques et opérationnels qui déterminent la marche et le développement de l’activité.
Ce pouvoir s’exprime par différentes décisions structurantes :
- Organisation des services : l’employeur a toute latitude pour créer, modifier ou supprimer des services, des directions ou des départements dans l’entreprise.
- Répartition et définition des tâches : il détermine la répartition des fonctions, la modification des postes, et attribue librement les missions à chaque salarié selon l’intérêt de l’entreprise.
- Ouverture ou fermeture d’un atelier, d’un établissement : il peut décider, pour motiver une adaptation aux impératifs économiques, technologiques ou commerciaux, de l’ouverture, de la fermeture ou du transfert d’un atelier, d’un service ou même d’un établissement entier.
- Choix et installation d’équipements : il incombe à l’employeur de sélectionner les équipements de production, de choisir les technologies ou méthodes de travail, de moderniser ou de remplacer les outils mis à la disposition des salariés.
- Détermination des horaires et des conditions de travail : il fixe les horaires collectifs, adapte l’organisation du temps de travail et peut imposer de nouveaux rythmes selon l’évolution de l’activité.
- Encadrement de la discipline et des règles de sécurité : il veille à l’application des règles d’hygiène, de sécurité et d’ordre dans l’entreprise.
Ainsi, la subordination juridique, qui caractérise le contrat de travail, fonde l’autorité de l’employeur sur l’ensemble de ces choix organisationnels.
Il s’agit d’un pouvoir naturel mais néanmoins encadré par la loi : l’employeur doit respecter la dignité du salarié et garantir l’égalité de traitement.
Il doit en outre respecter les règles permettant de mener à bien des changements si ceux-ci peuvent modifier substantiellement les missions du salarié.
B. Le règlement intérieur (si seuil atteint)
Selon l’article 82 du Code du travail
« Un règlement intérieur est obligatoirement élaboré dans les établissements industriels et commerciaux employant habituellement au moins vingt-cinq travailleurs, que ces établissements dépendent d’une entreprise privée ou de la puissance publique. »
Lorsque l’entreprise emploie habituellement au moins 25 salariés, l’employeur a l’obligation légale d’élaborer un règlement intérieur.
Ce document, à la fois normatif et informatif, définit :
- Les conditions générales d’organisation technique du travail.
- Les règles de discipline, d’hygiène et de sécurité applicables dans l’établissement.
- Les droits, devoirs et obligations réciproques des salariés et de l’employeur.
Le règlement intérieur doit être soumis pour avis aux délégués du personnel, transmis à l’inspection du travail, puis affiché en permanence dans l’entreprise.
Toute modification doit suivre la même procédure (Code du travail, art. 81 à 86).
En résumé, le pouvoir d’organisation de l’employeur est à la fois un droit consubstantiel à sa fonction de dirigeant et un ensemble de prérogatives encadrées par la législation sociale, qui vise à assurer à la fois la performance de l’entreprise et le respect des droits des salariés.
III. Le pouvoir disciplinaire
A. Définition des sanctions disciplinaires
L’employeur a la possibilité de réprimer tout manquement par le salarié à ses obligations contractuelles et professionnelles, en recourant à un éventail de sanctions : réprimande, avertissement, blâme, mise à pied, mutation disciplinaire, rétrogradation et licenciement
Selon l’article 87 du code du travail.
« Une sanction disciplinaire ne peut être infligée à un salarié que s’il a commis une faute professionnelle c’est-à-dire une faute dans l’exécution de son contrat de travail. »
B. Procédure disciplinaire
Avant toute sanction (sauf simple remontrance verbale), la loi impose à l’employeur de respecter une procédure garantissant les droits du salarié. La majorité es mesures de sanction doivent respecter une procédure donnée :
- Convocation à entretien : écrite, précisant le motif, la date, l’heure, le lieu de l’entretien, et informant le salarié de la possibilité d’être assisté (Code, art. 91).
- Déroulement de l’entretien : l’employeur expose les griefs, recueille les explications et celles de l’assistant éventuel (art. 94-95).
- Notification de la sanction : remise contre décharge ou en recommandé, mentionnant précisément la faute reprochée ; copie adressée à l’Inspection du travail (art. 97).
Article 91
« L’employeur qui envisage de prendre une sanction disciplinaire autre qu’une simple remontrance verbale doit convoquer le salarié à un entretien préalable… »
C. Interdiction des sanctions pécuniaires
Aucune sanction pécuniaire ne peut être infligée. L’employeur ne peut prononcer de retenue sur salaire à titre disciplinaire.
Article 89 :
« Aucune sanction pécuniaire ne peut être infligée à un salarié. Le terme sanction pécuniaire s’entend de toute mesure qui a pour but ou résultat de diminuer la rémunération normalement due pour un travail fourni par le salarié. »
D. Non-cumul et prescription
- Non-cumul des sanctions : Un même fait ne peut donner lieu à plusieurs sanctions. Par exemple, on ne peut pas pour un seul manquement du salarié lui infliger un avertissement et dans le même temps, engager une procédure de licenciement. En d’autres termes, une sanction unique pour chaque faute commise par le salarié.
- Prescription : Les faits sanctionnés ne peuvent plus être invoqués passé un délai de douze mois (Code du travail, art. 101).
Cela revient à dire que le salarié qui commet une faute au moins de janvier 2024, ne pourra plus être sanctionné pour cette même faute si douze mois se sont écoulés soit en février 2025 par exemple.
Article 101 – Extrait
« Lorsqu’une sanction a été prononcée, les faits sanctionnés ne peuvent plus, joints à d’autres faits postérieurs, être invoqués contre le travailleur passé un délai de douze mois après leur survenance. »
Conclusion
Le Code du travail tchadien confère à l’employeur des pouvoirs étendus pour organiser, réglementer et garantir la discipline au sein de l’entreprise, tout en imposant des obligations de transparence, d’équité et de respect des droits fondamentaux du salarié.
Toute décision ou sanction doit impérativement respecter la procédure légale afin de préserver la confiance mutuelle et la justice dans la relation de travail.
Maître Sintes DINGAMGOTO
Avocat aux barreaux de Paris et du Tchad