juillet 28, 2025 admin

LA REGLEMENTATION DU TRAVAIL AU TCHAD

Cet article synthétise les principes essentiels qui structurent, au Tchad, la durée du travail, la rémunération, les obligations de santé et sécurité ainsi que les garanties contre la discrimination.

À travers une lecture claire et structurée des normes légales et conventionnelles, l’article fournit aux employeurs et salariés les clefs pour comprendre leurs droits et devoirs au cœur de la vie professionnelle.

 

 

  1. Le temps de travail : durée et aménagement

 

  • Temps effectif de travail

Le temps de travail effectif correspond à la durée pendant laquelle le salarié est à la disposition de l’employeur et doit se conformer à ses directives, sans pouvoir vaquer librement à ses occupations personnelles.

 

La loi définit le temps de travail effectif comme toute heure de présence au poste (Code du travail, art. 196).

 

  • Durée légale du travail

La durée de travail hebdomadaire est fixée à 39 heures par semaine dans les secteurs non agricoles (Code du travail, art. 194).

 

Pour les salariés agricoles, la durée légale est limitée annuellement à 2 400 heures par an (Code du travail, art. 195).

 

  • Durée maximale de travail

En principe, la durée maximale de travail d’un salarié ne peut dépasser :

  • Un total journalier de 11 heures.
  • Un total hebdomadaire de 54 heures même en cas de circonstances exceptionnelles.

 

Cette limite protège la santé des travailleurs et encadre strictement la pratique des heures supplémentaires (Code du travail, art. 198).

 

  • Heures supplémentaires

Toute heure de travail accomplie au-delà de la durée légale donne droit à une majoration du salaire.

Les taux de rémunération majorée sont de :

 

  • 10% de majoration pour les huit premières heures supplémentaires ;
  • 25% de majoration pour les heures supplémentaires effectuées au-delà de la 8e heure ;
  • 50% de majoration pour les heures supplémentaires effectuées de nuit ; – 50% de majoration pour les heures supplémentaires effectuées de jour, les jours de repos hebdomadaires et jours fériés ;
  • 100% de majoration pour les heures supplémentaires effectuées de nuit, les jours de repos hebdomadaires ou encore les jours fériés.

(Code du travail, art. 199 ; Convention collective, art. 54).

 

 

  • Travail de nuit

Le travail de nuit obéit à une réglementation stricte.

 

Il est limité pour les femmes et interdit les jeunes de moins de 18 ans, sauf exceptions justifiées et encadrées par l’inspection du travail.

 

Les plages horaires et conditions du travail de nuit sont fixées par décret pour garantir la sécurité et le repos.

 

  • Repos

 

Le repos journalier minimum est de 12 heures consécutives pour les femmes et les mineurs, et le repos hebdomadaire est d’au moins 24 heures consécutives, généralement le dimanche (Code du travail, art. 208-209).

 

 

  • Congés payés

En principe, tout salarié a droit à 2 jours ouvrables de congé payé par mois de travail effectif (Code du travail, art. 212)

 

Par exception, l’article 214 du même code dispose que :

« La durée du congé peut être augmentée par voie de convention collective, notamment en faveur des jeunes gens âgés de moins de 18 ans, des mères de famille, des salariés ayant acquis une certaine ancienneté dans l’entreprise. »

 

Partant, la Convention collective générale prévoit en son article 57 des dispositions plus favorables s’agissant de :

  • «Mères de famille salariées : un (1) jour de congé supplémentaire par an et par enfant à charge de moins de 14 ans et enregistré à l’Etat – Civil ;
  • Travailleur ayant plus de 10 ans d’ancienneté : durée de congé annuel augmenté de :

2 jours après dix ans de service

4 jours après 20 ans de service

6 jours après 25 ans de service. Ces jours ne sont pas cumulables.

 

Attention: Le bénéfice des congés payés ne s’ouvre qu’aux salariés ayant travaillé pour une durée de travail effectif, ou considéré comme tel, égale à un an (article 217 code du travail).

En d’autres termes, selon le code du travail tchadien, on ne peut pas bénéficier de congés payés sans avoir passé une année au service de l’employeur.

 

  1. La rémunération du travail

 

  • Nature de la rémunération

La rémunération du salarié comprend le salaire de base, auquel peuvent s’ajouter des primes, des accessoires ainsi que des avantages en nature (logement, nourriture, etc.).

 

L’article 246 du code du travail tchadien défini ainsi la rémunération due comme « le salaire de base ou minimum et tous les autres avantages, payés directement ou indirectement, en espèces ou en nature, par l’employeur au travailleur en raison de l’emploi de ce dernier. »

 

La convention collective générale précise certains de ces avantages à savoir :

 

  • La prime d’ancienneté : à partir de 3 ans d’ancienneté (3 % du salaire minimum de la catégorie), majorée d’1 % par an jusqu’à la 25ᵉ année (article 47).
  • La prime de panier : égale à deux fois le taux horaire du SMIG pour toute séance ininterrompue de 10 heures (article 48).
  • L’indemnité de déplacement : versée en cas de déplacement temporaire impliquant des frais de nourriture et de logement hors du lieu habituel (article 49).
  • Logement ou une indemnité compensatrice : prévu pour le salarié qui est affecté ailleurs qu’à son lieu de recrutement par l’employeur (article 50).
  • Fournitures alimentaires : obligatoires pour les sites éloignés de centres urbains ou de marchés ; leur composition est précisée par conventions annexes (article 51).

 

 

  • Outils de détermination du salaire

 

Le salaire de chaque travailleur est déterminé en fonction du poste de travail qui lui est attribué dans l’entreprise (art 41 convention collective générale)

 

Tout travailleur doit obligatoirement être classé selon la catégorie professionnelle à laquelle il appartient.

 

Chaque branche, secteur d’activité ou entreprise peut définir par convention annexe des classifications propres après avoir défini les postes, contenus et qualifications requises.

 

A défaut, la classification prévue par la convention collective générale s’applique de plein droit (article 63 convention collective générale).

 

Cette classification par de la 1ère catégorie, la plus basse (Travailleurs à qui sont confiés des besognes élémentaires ne nécessitant ni connaissances professionnelles ni adaptation) à la 9ème Catégorie (Cadres Supérieurs de Direction)

 

  • Modalités de paiement du salaire

 

Les salaires sont fixés à l’heure, à la journée ou au mois étant précisé les paiements mensuels doivent être effectués au plus tard huit jours après la fin du mois du travail qui donne droit au salaire.

Il est effectué dans une monnaie ayant cours légal et l’employeur est tenu de délivrer un bulletin de paie individuel lors du paiement (art 257, 259, 263 Code du travail).

 

 

  • Principe d’égalité salariale
    À travail égal, salaire égal : tout employeur doit garantir une égalité parfaite dans la rémunération des travailleurs placés dans une même situation de qualification et de responsabilité, sans distinction injustifiée (Code du travail, art. 246 ; Convention collective, art. 42).

 

  • Salaire minimum légal (SMIG)

Le montant minimum du salaire est fixé par un accord paritaire entre partenaires sociaux et homologué par décret (Code du travail, art. 249 ; Convention collective, art. 64). Il constitue un seuil en dessous duquel aucun salarié ne peut être rémunéré.

Au Tchad, le Salaire Minimum Interprofessionnel Garanti (SMIG) s’élève à 355 FCFA par heure pour une durée légale de 39 heures hebdomadaires (Décret 11-055 2011-01-21 PR/PM/MFPT).

 

En pratique, cela correspond à un salaire mensuel minimum de 59 995 FCFA (en réalité 60.000 FCFA) sur la base de 169 heures.

 

 

  • Périodicité du paiement
    Le paiement du salaire doit intervenir au moins une fois par mois, afin d’assurer au salarié une régularité et une visibilité sur ses ressources (Code du travail, art. 259 ; Convention collective, art. 45).

 

3. Santé et sécurité

 

  • Obligation générale de sécurité

L’employeur est tenu d’assurer la sécurité, l’hygiène et la salubrité au sein de l’entreprise. Cela inclut l’organisation de la formation à la sécurité pour les salariés, la propreté des locaux et la fourniture d’équipements adaptés (Code du travail, art. 224-227 ; Convention collective, art. 25).

 

  • Visites médicales obligatoires
    Dès l’embaucheet régulièrement : chaque salarié doit passer une visite médicale afin de vérifier sa capacité physique à exercer les fonctions prévues. Ces contrôles réguliers sont essentiels pour anticiper les risques professionnels (Code du travail, art. 239-244 ; Convention collective, art. 16).

 

  • Responsabilité et sanctions en matière de sécurité

 

Il incombe à l’employeur une responsabilité très générale en matière de sécurité et d’hygiène ; c’est en ce sens que l’article 224 du code du travail dispose que :

 

« Les conditions d’hygiène et de sécurité sur les lieux de travail sont définies par décret pris en Conseil des Ministres sur proposition du Ministre chargé du Travail et de la Sécurité Sociale, après avis du comité technique consultatif.

Ce décret assure aux travailleurs tout en prenant en considération les conditions locales, des normes d’hygiène et de sécurité conformes à celles recommandées par l’Organisation Internationale du Travail et d’autres organismes techniques reconnus sur le plan international.

Il précise dans quels cas et dans quelles conditions, l’Inspecteur ou le Médecin-Inspecteur du Travail doit recourir à la procédure de mise en demeure. Toutefois, en cas de danger imminent pour la santé et la sécurité des travailleurs, l’Inspecteur ou le Médecin-Inspecteur du Travail ordonne les mesures immédiatement exécutoires. »

 

Si l’employeur manque à ses obligations, il engage sa responsabilité, y compris sur le terrain pénal en cas d’accident ou de manquement grave aux règles de sécurité.

 

  1. Prohibition des discriminations

 

  • Principe d’égalité et interdiction des discriminations

Le droit tchadien prohibe toute discrimination fondée sur le sexe, l’âge, la nationalité, l’appartenance syndicale, ou toute autre considération non pertinente en matière d’emploi.

 

Ce principe s’applique aussi bien lors de l’embauche que durant toute la carrière du salarié, y compris en matière de rémunération, de promotion, de licenciement ou d’accès à la formation.

 

 

 

Maître Sintes DINGAMGOTO

Avocat aux barreaux de Paris et du Tchad