Le droit du travail tchadien encadre diverses formes de contrats de travail en dehors du contrat à durée indéterminée.
Ces « contrats atypiques » répondent à des besoins spécifiques de flexibilité ou de qualification, mais leur recours est strictement réglementé pour garantir les droits des travailleurs.
- Les contrats précaires
a) Contrat à durée déterminée (CDD)
- Règles communes à tous les contrats à durée déterminée :
° Forme du contrat à durée déterminée
L’article 64 du Code du travail dispose que :
« Les contrats de travail à durée déterminée sont passés par écrit. Ils comportent toutes indications utiles sur leur terme et leur éventuel renouvellement. »
Il en résulte que tout manquement majeur (absence d’écrit, de motifs de recours si CDD à terme imprécis, dépassement de durée, etc.) peut entraîner la requalification du contrat en CDI (article 66 Code du travail).
Cette faculté d’opter pour la requalification du CDD irrégulier en CDI n’est cependant ouverte qu’au salarié.
° L’indemnité spéciale de fin d’un CDD
En fin de contrat, le salarié bénéficie d’une indemnité de fin de contrat représentant 5 % du total des salaires et avantages perçus pendant la période d’exécution du CDD (Code du travail, art. 141).
° Le visa préalable de l’ONAPE
Les CDD d’une durée supérieure à six mois nécessitent en outre le visa préalable de l’Office National pour la Promotion de l’Emploi (ONAPE)
Ce visa n’est plus requis quand le contrat est inférieur ou égale à 6 mois.
Il conviendrait de distinguer le CDD à terme précis et le CDD à terme imprécis
- CDD à terme précis
Le contrat à durée déterminée à terme précis doit obligatoirement indiquer, dès sa signature :
- soit la date d’expiration du contrat
- soit la durée exacte pour laquelle il est conclu (article 57 code du travail tchadien)
La durée maximale d’un contrat unique ne peut excéder deux ans (article 58, 59).
Il ne peut être renouvelé qu’une seule fois.
NB : cette limitation de renouvellement unique du CDD ne s’applique pas aux CDD dits à courte durée, c’est-à-dire les CDD « travailleurs engagés (…) pour une tâche déterminée ».
La loi précise qu’il s’agit des CDD concernant soit :
- le travailleur saisonnier,
- le travailleur temporaire ou
- le travailleur occasionnel. (Article 59, code du travaul ; Article 14 convention collective générale)
Ainsi, si ces contrats sont conclus à durée déterminée, ils peuvent, à l’opposé du CDD classique, être renouvelés autant de fois que possible sous réserves de ne pas excéder en totalité la limite maximale de 2 ans (article 59 code du travail).
- CDD à terme imprécis
Dans certains cas expressément prévus par la loi, le contrat de travail à durée déterminée peut comporter un terme imprécis.
° Motif de recours à un CDD à terme précis
Cette forme est autorisée par exemple pour :
- le remplacement temporaire d’un salarié absent,
- pour la durée d’une saison,
- d’une campagne,
- pour un surcroît occasionnel de travail ou
- une activité exceptionnellement inhabituelle de l’entreprise.
Dans ces situations, le contrat mentionne le motif et la nature de l’événement qui détermine le terme, sans indiquer une date exacte, le terme du contrat étant alors constitué, par exemple, par le retour du salarié remplacé ou la fin de la saison ou du surcroît temporaire d’activité.
Lorsque le motif du recours au CDD à terme précis disparaît (fin d’absence, fin de la saison, de la campagne etc.), le contrat prend alors fin (article 60 Code du travail).
° L’exigence d’une durée prévisible pour les motifs de recours autre que le remplacement
Pour les CDD à terme imprécis hormis le remplacement d’un salarié, le contrat doit indiquer une durée prévisible, qui ne peut dépasser six mois ; le terme exact sera fixé par l’employeur (Code du travail, art. 60-62).
b) Contrat de travail temporaire / Contrats saisonniers et occasionnels
Le Code du travail interdit toute opération de prêt ou de mise à disposition de main-d’œuvre à titre onéreux hors du cadre légal strictement prévu, afin d’éviter les abus et la pérennisation d’une forme de travail par essence précaire.
Il en résulte que tout recours à ces contrats travail temporaires doit donc respecter les modalités prévues aux articles 73 à 80 (Code du travail, art. 73-80).
S’agissant des contrats saisonniers ou occasionnels, la convention collective générale prévoit que les engagements pour la réalisation de tâches déterminées, ou pour travailler durant une saison spécifique, doivent suivre le régime du contrat à durée déterminée.
Les conditions d’emploi de ce personnel sont encadrées pour éviter toute exploitation et garantir un minimum de droits (Convention collective, art. 14, 26).
- Les contrats de formation supervisés par l’État
a) Contrat d’apprentissage
Le contrat d’apprentissage est destiné à initier un jeune à un métier précis, en lui permettant d’acquérir une qualification professionnelle, générale, théorique et pratique (Code du travail, art. 13-29).
Il s’agit d’un contrat qui, tout en produisant les effets classiques d’un contrat de travail, accorde des garanties supplémentaires au jeune apprenti : déclaration à la Direction de la formation professionnelle et à l’ONAPE, enregistrement à l’Inspection du travail, exemptions fiscales spécifiques, mentions obligatoires incluant l’identité du maître d’apprentissage, du jeune, de son représentant légal, la durée, les conditions de rémunération et de formation.
L’âge minimal pour être apprenti est fixé à 13 ans, et le maître d’apprentissage doit garantir un cadre de transmission du savoir-faire dans le respect de la santé et de la sécurité du jeune.
Les conditions de résiliation ou de nullité du contrat d’apprentissage sont prévues par des règles spécifiques pour protéger l’intérêt du jeune et l’entreprise.
b) Formation professionnelle et promotion du travailleur
La formation professionnelle au Tchad est organisée et contrôlée par l’État, qui en définit le cadre légal, tant au niveau postscolaire qu’au sein de l’entreprise (Code du travail, art. 38-47).
Elle vise à permettre au travailleur d’accéder à une qualification, d’accroître ses compétences et d’améliorer ses perspectives d’emploi.
Tout employeur occupant au moins dix salariés doit d’ailleurs contribuer au développement de la formation professionnelle par une taxe dédiée ou par des actions concrètes de formation (article 35 du Code du travail).
Cette taxe dite d’apprentissage et de formation professionnelle est prévue aux articles 171 et suivants du code général des impôts tchadien (CGI).
Pour autant, des exonérations partielles ou totales peuvent être accordées par les entreprises posant des actions en vue de favoriser l’enseignement technique et l’apprentissage, soit directement, soit par l’intermédiaire des associations dédiées (article 180 CGI).
En somme, le législateur tchadien a prévu des dispositifs de formation offrant au salarié futur (apprenti) ou en poste un cadre offrant des perspectives d’évolution professionnelle.
D’un point de vue légal, la promotion du travailleur est érigée en droit permettant à ce dernier d’accéder à des postes supérieurs ou à une insertion professionnelle adéquate.
NB : Il convient néanmoins de souligner qu’en pratique, les dispositifs de formation professionnelle et d’apprentissage restent encore très peu développés et accessibles sur le terrain, limitant ainsi l’impact réel de ce cadre légal pourtant ambitieux.
Conclusion :
En définitive, si le CDI est la forme classique du contrat de travail, législateur tchadien s’est employé à trouver un équilibre entre la souplesse indispensable au fonctionnement des entreprises.
Pour autant, cette souplesse reste encadrée afin de garantir la protection des travailleurs.
Chaque forme de contrat précaire bénéficie d’un cadre légal précis afin de prévenir toute dérive et d’assurer des droits minimaux aux salariés embauchés sous ce régime.
Maître Sintes DINGAMGOTO
Avocat aux barreaux de Paris et du Tchad